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Les fantômes des ESMS

"C’est pas le travail qui manque, c’est les bras." Voilà une phrase qu’on entend souvent dans les couloirs des établissements et services médico-sociaux (ESMS). Mais au-delà de la formule, que nous dit réellement le terrain ? Grâce aux toutes dernières données publiées par la CNSA en avril 2025, on dispose enfin d’un état des lieux sans filtre. Et autant vous prévenir : la situation est tout sauf anodine.




Les ESMS se vident de leurs salariés
Les ESMS se vident de leurs salariés

L’absentéisme : le retour à la "normale", vraiment ?


Bonne nouvelle d’abord (mais pas trop vite) : le taux d’absentéisme global dans les ESMS est redescendu à 11,5 % en 2023, soit le même niveau qu’en 2019, juste avant le choc COVID.

Sauf que cette "normalité" reste une anormalité quand on la compare à d’autres secteurs : plus d’un jour sur dix où les pros ne sont pas là.


Dans certains établissements, c’est pire encore : 14,7 % d’absentéisme en Maison d'Accueil Spécialisée, 13,5 % en Foyer d'Accueil Médicalisé ou en Etablissement et services pour Enfants et Adolescents Polyhandicapés (non, les dénominations n'ont pas eu le temps d'être revues).

Autrement dit, un jour sur sept où les équipes naviguent à vue.


Et dans 72 % des cas, ces absences sont dues à des maladies, souvent de moyenne ou longue durée. Traduction : des pros qui tiennent, tiennent, tiennent… jusqu’à ce que le corps (ou la tête) dise stop.

Vacance des postes : le trou béant


Pendant ce temps, les postes vacants s’accumulent.

En 2017, 2,1 % des ETP étaient non pourvus.

En 2023, on est passé à 4,5 %, soit plus du double.

Dans certains services (coucou les SAMSAH et les SAD), le taux dépasse 7 %, avec un record à 13,1 % en Île-de-France pour les services.


On parle ici de postes affichés, budgétés, attendus… mais sans personne pour les occuper. Soit parce qu'on ne trouve pas, soit parce que personne ne veut.


Est-ce qu’on peut encore parler de "crise de vocation" ? Ou doit-on reconnaître qu'on a épuisé les vocations ?


Rotation du personnel : le bal des arrivées-départs


Là encore, les chiffres parlent : 24,4 % de taux de rotation moyen en 2023, contre 19,4 % en 2018.

C’est plus qu’un quart des pros qui changent de structure en un an.

Et jusqu’à 34,6 % dans les établissements pour adultes en situation de handicap.

Pas étonnant dans un secteur où le mot "fidélisation" ressemble à une parole prononcée à Lourdes, et où les CDI sont parfois plus précaires que certains CDD bien négociés ailleurs.


Les EHPAD publics : qui a rallumé la lumière ?


Petite curiosité du rapport : les EHPAD publics s’en sortent un peu mieux que les autres sur plusieurs indicateurs.

Moins d’absentéisme (10,7 %), moins de vacance (2,6 %), plus de présence (87 %).

Faut-il y voir une preuve que l’ancrage public protège davantage les équipes ? Ou est-ce un effet post-Orpéa, avec des enquêtes récurrentes et contrôles dans les établissements (surtout publics) qui rassurent des salariés en quête de mieux-être au travail ?


Que fait-on maintenant ?

On peut continuer à gérer au jour le jour. À colmater les brèches. À faire tourner les plannings avec des bouts de ficelle et des missions d’intérim.

Ou alors… on peut décider de se regarder en face.

Les chiffres de la CNSA sont des signaux d’alarme clairs (mais pas nouveaux) : les professionnels du médico-social sont à bout.


En conclusion : dirigeants, RH, responsables de secteur… ce rapport, c’est votre miroir.


Il ne s’agit pas de se flageller ni de faire semblant. Les chiffres parlent, et ce qu’ils disent, beaucoup le vivent déjà : des équipes épuisées, des recrutements impossibles, des roulements permanents. Pas parce que les pros ne veulent plus travailler. Parce qu’ils n’en peuvent plus de travailler comme ça.


Alors non, il n’est plus temps d’attendre une réforme miracle.

Il est temps de faire bouger ce qui peut l’être :

👉 Repenser les organisations.

👉 Oser parler du sens au travail sans être taxé·e de naïveté.

👉 Redonner de la valeur à l’engagement, pas à la simple présence.


Ce secteur est tenu à bout de bras. On peut encore choisir de le reconstruire avec les gens, pas malgré eux.



🧠 Article rédigé à partir du rapport CNSA, avril 2025, "Absentéisme, vacance et rotation dans les établissements et services médico-sociaux", Myriam Lévy.

 
 
 

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