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La tête haute, le cœur en vrac : Diriger, tenir, craquer (et recommencer)

Quand diriger un SAD met la santé mentale à rude épreuve.




Femme au maquillage coulé tenant une feuille avec un sourire dessiné, masquant son visage fatigué – symbole de la souffrance dissimulée derrière une façade de bien-être.


Je ne suis pas dirigeante de SAD.

Je n’ai pas à valider les plannings, à jongler entre les départs et les arrivées, ni à expliquer à une auxiliaire de vie pourquoi son contrat a encore changé ce mois-ci.

Mais je vous vois. Je vous écoute. Je travaille avec vous, au quotidien. Et plus le temps passe, plus je ressens le besoin d’écrire ce texte. Pas pour faire un bilan de secteur, ni un manifeste militant (encore que).

Juste pour parler d’un sujet trop souvent passé sous silence : votre santé mentale.


Parce que vous portez beaucoup. Parce qu’on attend beaucoup de vous. Et que dans tout ça, vous avez le droit, vous aussi, de dire : « Je n’en peux plus. J’ai besoin d’air. »


Ce que je vois, et que vous ne dites pas toujours


Diriger un SAD, ce n’est pas seulement piloter une structure. C’est être garant·e d’un service essentiel. C’est jongler entre les attentes des familles, les exigences des financeurs, les fragilités des salarié·es. C’est porter une vision humaine dans un monde qui valorise l’efficacité.

Et souvent, ça vous coûte. Mais vous tenez. Parce qu’il faut.

Parce que vous ne voulez pas inquiéter l’équipe.

Parce que “ça ira mieux la semaine prochaine”.


Et pendant ce temps-là…

  • Vous ne dormez plus ou vous vous réveillez en pleine nuit avec une idée de planning.

  • Vous avez mal au ventre en ouvrant votre boîte mail.

  • Vous ne supportez plus d’entendre votre portable sonner.

  • Vous vous isolez, parce que dire “je vais mal” est devenu impensable dans votre posture.

  • Vous vous en voulez : de ne pas avoir su, pas assez bien fait, pas assez anticipé.


Et pourtant, vous continuez. Par loyauté. Par conscience professionnelle. Par amour du métier.

Mais à quel prix ?


La santé mentale : floue, taboue… mais vitale


On en parle beaucoup, de la santé mentale. Mais rarement de façon claire.

C’est flou, un peu gênant, presque médical. On y colle des images de fragilité, de burn-out, de maladie, et même parfois d’asile psychiatrique des années 50.

Et dans le monde médico-social, ça reste un mot qu’on préfère éviter, parce qu’on est censé·es “tenir bon”. Parce que montrer qu’on va mal, ce serait “décevoir”, “inquiéter l’équipe”, ou avoir le sentiment qu’on doit déposer son costume de super-héros.

Alors mettons les choses au clair, simplement.


🔍 L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la santé mentale comme :

« un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté. »

Dit autrement : ce n’est pas juste “ne pas être malade”. C’est avoir la possibilité d’exister, de travailler et de vivre sans s’effondrer.


Chez les dirigeants, ce niveau de bien-être est souvent malmené.

Non pas parce que les dirigeant·es sont fragiles, mais parce que le système leur demande de tenir sans jamais s’écouter. Et quand on nie ça, quand on continue à “faire comme si”, on aggrave la chute.

Alors non, parler de santé mentale, ce n’est pas faire un détour psy.


C’est remettre la dignité humaine du ou de la dirigeant·e au cœur du projet de service. Au coeur de sa qualité de vie.


Et pourtant, on ne parle jamais de vous


On parle de plus en plus des difficultés de recrutement, du turnover, de la crise des vocations dans le secteur social et médico-social.On alerte, à juste titre, sur la détresse des salarié·es, la surcharge des équipes, l’usure professionnelle des métiers du lien.


Mais on oublie systématiquement les dirigeant·es.

Comme si, une fois passé·es de “terrain” à “bureau”, vous étiez devenu·es invincibles.

Comme si le stress managérial, la pression financière, l’angoisse de la responsabilité ne méritaient pas qu’on s’y attarde.

Comme si c’était “le poste qui veut ça”.

Mais ce n’est pas parce que vous ne portez pas/plus de blouse que vous ne portez plus de poids.

Et à force d’être le pilier de tout, vous finissez par vous effacer du récit collectif.

On vous consulte sur les indicateurs, sur les politiques publiques, sur les bilans… mais rarement sur votre propre santé.

Alors aujourd’hui, il est temps de remettre les choses à leur place. Car sans vous, sans votre engagement, votre lucidité, votre capacité à tenir… il n’y a plus de service.

Et personne ne vous remplace.


🧩 Et pour celles et ceux en franchise... un mot en aparté

Je pense aussi à vous, les dirigeant·es de SAD sous franchise. Pas ceux pour qui ça fonctionne, avec un vrai soutien et un modèle adapté — Oui ça existe, et heureusement.


Mais à vous qui avez signé pour apprendre à piloter… et qui vous retrouvez à exécuter.

À vous qui devez demander l’autorisation pour modifier un flyer.

À vous qu’on empêche de signer un CPOM ou de bâtir des partenariats locaux, au nom d’un modèle économique formaté, souvent éloigné des réalités du terrain...

Pendant que le franchiseur, lui, prélève ses royalties… sans partager les même craintes :

« Comment est-ce que Madame P. va pouvoir manger ce soir, je n’ai personne… » vs « Comment vous allez faire pour être un peu plus rentables le mois prochain ? ».


Être dirigeant·e, mais être traité·e comme un·e exécutant·e. Et je sais combien cette double contrainte abîme : sur la liberté d’agir, sur la santé mentale, sur le sens même de ce métier.

Ce n’est pas vous le problème. C’est un système qui oublie que le social n’est pas une franchise de fast-food.


Et que l’on soit clairs… La rentabilité ne devrait pas empêcher la prise en comtpe de l'humain. En ce qui concerne les entreprises (les associations ne sont pas concernées), il est évident qu'être rentable est en soit un objectif. On ne travaille pas pour la gloire.

Sinon, ça s’appelle du bénévolat.


Alors, on fait quoi ?


Je ne vais pas vous servir un plan d’action en 7 étapes pour “retrouver la sérénité en milieu hostile” (par contre, ça me donne une idée de téléréalité à ne pas piquer des hannetons).

Mais je crois à quelques points d’appui, simples, concrets, possibles.


💬 1. Dire les choses

Pas publiquement, pas forcément à voix haute. Mais au moins à une personne de confiance.“Je ne vais pas bien.”C’est déjà beaucoup. Et c’est souvent le début d’un allègement.


🧠 2. Repenser la santé mentale comme une base, pas un luxe

Votre santé mentale, ce n’est pas votre point faible.

Ce n’est pas non plus une option, un axe de développement personnel à voir pendant les vacances.

C’est votre outil de travail le plus précieux. Elle mérite qu’on en prenne soin. Comme vous prenez soin de votre trésorerie ou de votre personnel.


👥 3. Ne pas rester seul·e

Créer un petit cercle : collègues dirigeant·es, psy du travail, superviseur·e, groupe d’analyse de pratiques. Un endroit où vous pouvez déposer, sans avoir à justifier. Un endroit où vous serez étayé et outillé pour reprendre les rennes.


🛑 4. Définir votre zone rouge

Quelles sont vos limites ? Vos “non négociables” ? C’est vital de les connaître et de les faire respecter.

Exemples :

– Je ne travaille plus le dimanche.

– Je délègue quand je suis malade.

– Je prends 3 vraies semaines de vacances.


❤️ 5. S’autoriser à prendre soin de soi

Ce n’est pas égoïste. C’est un acte politique.

Parce qu’un·e dirigeant·e qui va bien, c’est une équipe qui respire mieux.

Et un service qui tient, pas parce que tout le monde s’épuise… mais parce que chacun·e peut vivre.


Pour finir


Je ne vous écris pas cet article pour vous expliquer quoi faire.

Je l’écris pour vous dire : vous avez le droit d’aller mal.

Et surtout, vous avez le droit d’aller mieux.

Vous n’avez pas à porter seul·e la responsabilité d’un système sous tension.

Vous n’avez pas à tenir le coup au prix de votre santé.

Et vous n’êtes pas obligé·e d’attendre le burn-out pour réagir.


Il existe des espaces, des gens, des ressources.

Et je vous le redis, avec tout le respect du monde :

vous êtes important·e, vous méritez d’être soutenu·e.


Même quand ça tangue.

Surtout quand ça tangue.

 
 
 

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